«La politique est aussi faite de cœur et d'affection.» Dans la bouche de Christian Estrosi, qui plus que d'autres carbure à l'affectif, la formule prend des accents de sincérité. Au moment où il la prononce, ce mardi vers 12h30, ça se bouscule sec dans l'étroit bureau de Marine Brenier à l'Assemblée.
Chaperon, tuteur, mentor, comme on voudra, son désormais suppléant a guidé les premiers pas au Palais-Bourbon de celle qu'il a choisi d'y propulser pour lui succéder.
«Raccourcis un peu, sois plus directe, sinon tu vas être prise par le temps», lui glisse-t-il en zyeutant la question (de deux minutes maximum, c'est la règle) qu'elle posera dans l'après-midi au Premier ministre dans l'hémicycle.
«Marine n'a pas besoin de conseils, recadre aussitôt le président de la Région. Juste de quelques petits trucs techniques pour décoller immédiatement. C'est un député déjà dans ses habits. Ce sera un grand législateur. Elle sera à la hauteur de sa tâche.»
Bizutage
A 15h30, Christian Estrosi est installé au balcon, en compagnie des parents et du compagnon de l'impétrante, pour assister à la première intervention de Marine Brenier. En l'occurrence, dans un brouhaha bizuteur propre à mettre d'emblée la jeune députée au parfum de ce qui l'attend, une interpellation de Manuel Valls à propos de la reconnaissance faciale.
«Notre pays est en guerre, vous l'avez vous-même reconnu, il faut donc se doter des moyens de la mener. Etes-vous prêt à utiliser le système de reconnaissance faciale, déjà développé à Nice, en particulier pour renforcer la sécurité de l'Euro-2016 de football?»
C'est Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, qui lui a répondu, pointant un dispositif se heurtant à une double difficulté: la réticence du Conseil constitutionnel sur la mise en œuvre de fichiers, alors justement que la reconnaissance faciale ne peut être efficace que si elle est reliée aux individus fichés, S notamment. «Les fichiers sous X ont des règlements qui interdisent, pour l'instant, de recourir à des procédés de reconnaissance faciale.»
Elle et lui
A l'Assemblée, Marine Brenier n'a pas hérité du bureau de Christian Estrosi, récupéré par un député plus ancien. Le 9511, qui lui a été attribué, est bien plus exigu, malgré un aperçu Seine, comme disent les agents immobiliers. La fille de Nice, sourire imperturbable, s'en satisfait. «C'est le jeu, ce n'est pas le plus important et il est pratique pour travailler. Au moins, on ne pourra pas dire que les politiques sont trop choyés.»
Dans le bureau d'Estrosi trônait une photo de son grand-père devant sa loterie de la Gare du Sud. Marine Brenier, entre autres touches personnelles, disposera dans le sien une photo d'elle avec Christian Estrosi. «J'espère bien!», a validé l'intéressé.
Le témoin est passé, avec son lot d'émotions. Il appartient désormais à Marine Brenier de prendre une épaisseur personnelle, sans sacrifier une spontanéité rafraîchissante.
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